Saturday, July 18, 2009

Wajdi Mouawad

Wajdi...Quelle déception ! A peu près tous les types que je connais qui ont un oeil sur le théâtre ont tapé à ma porte. "Wajdi c'est le plus grand, c'est le passé et c'est l'avenir. Y'a rien au dessus y'a rien en dessous." Signez en bas, et le porte-clef c'est cadeau. Alors ouais, j'y suis allé à cette satanée nuit Wajdi Mouawad d'Avignon.

On m'avait vendu le type comme le renouveau du théâtre francophone. Tout portait à croire que cela était justifié : La cour des papes, une nuit complète, des articles plein la presse, j'en passe et des meilleurs. Alors certes, c'est vrai, j'ai vu une des plus belles heures de théâtre que je connaisse (la première des 11) : Rythme, poétique, ambiance, jeu, texte, alchimie, espoir. Et puis les acteurs se sont mis à parler pour raconter des histoires dont rien en ce bas monde ne justifiait leur existence. Et cela n'a pas arrêté, jusqu'à pas d'heure.

"Le sang des promesses". Le titre est juste. Voilà un auteur qui croit encore au drame faible de la parole. Une promesse damne une génération, la suivante tente d'en sortir par une promesse, pour ne souffrir qu'un échec cuisant. Voilà la version du drame de Wajdi. Des générations par dizaines qui se sont engagées sur la voie de la souffrance, sciemment. Il faut avoir une bien piètre idée de la finalité de la parole pour en arriver là. Imaginer un père qui cloisonne ce qu'il pense être ses enfants dans un lieu perdu, le premier étant en fait le fils de son frère, fait à sa femme. Souffre par cet inceste, meurt par cet inceste, le dit-père moura d'un coup de couteau dans le dos de son fils alors qu'il fait l'amour à sa fille. Après quoi le-dit frère baisera sa soeur. Le drame façon pollock ? Ces gens donc n'ont ils jamais lu ? N'ont ils aucune règle ? Comment, dans un tel marasme peut on rendre intéressant les sentiments qui en découlent ? Alors on glose sur le retour du drame grec et tutti quanti. Alors que drame grec est inéluctable, celui-ci est factice, forcé, seulement au théâtre messieurs dames.

Mais allons y, si le malheur est volontaire, peut-être que le spectateur doit aussi s'intéresser volontairement. L'art pour l'art. Encore faut-il trouver un point d'esthétique. Le thème souvent acclamé du passage des générations n'y suffit pas. La mise en scène de plusieurs générations en parallèle ? Il faut se tenir à jour du théâtre étranger. Plenty (David Hare) se démerde mille fois mieux à montrer la fausseté d'une promesse et des croyances que cela à pu construire. En deux heures, avec des mots choisis. Arcadia (Tom Stoppard), un vrai ballet temporel, dans lequel le temps qui passe et les espérances des générations montrent leur incessant va-et-vient et leurs pas communs. Et ce sont des pièces anciennes maintenant.

Mais j'ai essayé de me forcer en me disant que Wajdi était peut-être un maître du 5ième degré. Et là si vous êtes coincés au beau milieu d'un rang, sans échappatoire, c'est ce que je vous conseille de faire. La farce tourne à la pop baroque et on se prend à rire une heure. Ne lisez alors pas les interviews de Wajdi, qui vous diront que c'est le texte qui compte. Ce satané texte qui s'engage surtout à présenter des faits plus qu'à dire des choses. Du premier degré en somme. Sans parler du ton. (Bravo aux acteurs, je n'ai jamais vu d'aussi belles cordes vocales). Des heures de cri. Pas une seconde de répit, tout le monde gueule pendant des heures, out le climax, la montée en puissance, le rythme, l'escalade en cordée. On gueule au téléphone, d'une génération sur l'autre, de père en fils, de femme au public. Une scène de ménage permanente.

Je prends les paris, Wajdi ne sera que peu traduit, et disparaîtra dans la décennie, sauf peut être sa première heure.