Saturday, September 01, 2007

A fleur de peau



The River of no return (1954), Otto Preminger.

Comme beaucoup d’autres films, La rivière sans retour cache tout derrière son titre. Effet bien pratique faisant résonner automatiquement thèmes, impressions et ambiance dans la tête de qui entend le titre et a vu le dit film. C’est comme cela que me parait aujourd’hui ce Preminger: comme une note claire, simple et colorée bien emmitouflée dans son titre.

Il est donc question d’une rivière, et d’un sens. Les deux juxtaposés portant déjà la trame d’une évidence déconcertante et respectée à la lettre. Il est en effet rare que la caméra s’éloigne de plus de quelques mètres de cette rivière. Ne dépassent que le début et la fin, deux villes le long du fleuve, et encore, dramatiquement les deux lieux se font échos, les désirs et aspirations des trois protagonistes restant les même de l’une à l’autre cela portant le film sur deux lieux, le récit n’ayant que pour fonction de les boucler. De là ce sentiment de stase, d’intemporalité, de tableau délimitant parfaitement l’idée que le récit n’est qu’une moyen. La structure narrative classique est poussée à l’humilité théâtrale de l’unité de lieux, reléguant l’action à un rôle de décor. Bien sûr c’est cousu de fil blanc mais c’est tellement plus charmant en Century-Fox!

Preminger porte cette idée plus loin, d’abord en s’assurant que le décor reste fixé aux trois couleurs saturant l’ouest canadien: la rivière en bleu, la forêt en vert et la pierre en gris (le tout exacerbé par le Technicolor de l’époque). La descente du fleuve n’existe alors plus graphiquement que par quelques plans d’ensemble interchangeables. Deuxièmement en rendant beaucoup des éléments tractant le récit plastiquement factices (les indiens, le couguar) et en jouant la coupe franche lorsque l’on passe de ces éléments aux protagonistes. (Ce rendu aux antipodes du réalisme est utilisé dans des conditions similaires mais de façon beaucoup plus poussée dans La rage du Tigre (1971) de Chang Cheh. Film aux comparaisons nombreuses avec La Rivière sans retour dont je ne serais que hautemant conseiller le visionnage.)

Reste à traiter Mitchum et Monroe. Le premier joue le rocher poli par les vents de la prison. Le second la légère au cœur durci à la vie de foire. Voilà un beau couple embarqué sur des rondins de bois! Mais voilà il y a en enfant, placé du coté de Mitchum par la filiation et appréciant la belle pour ses chansons et sa gentillesse. C’est de cette formation familiale dont il s’agit, conte fondamental ramené à la fleur de peau des planches. Une histoire simple iconifiée par l’olympien Mitchum et la déesse Monroe. Goutte prise de la ville cinéma, développée sur la rivière théâtre avant d’être relâchée dans la foule. Regarder le monde, zoomer sur des personnages et les relâcher en pleine nature, c’est tout ce que fait Preminger, et il le fait bien. Le sens (direction) de la chose il s’en fout et c’est bien pour le dire haut et fort qu’il sépare les trois derniers plans de commande portant le « We’re going home » hollywoodien.